Vendredi 20 février 1942

Landivy

"La Basse Roirie"

Whitley Mk. V - EB297

Douze avions du 297 sqdn ont pris part à un raid de bombardement sur la France. Décollent du terrain de la RAF Thruxton, comté du Hampshire, à partir de 20h39. La cible était la station de transformation électrique de Chaingny (Orléans). Un avion n'a pas réussi à retourner à sa base. 3 avions n'ont pas réussi à trouver leur cible et à larguer leurs bombes, l'un des deux étant la cible, mais ne pouvait pas être rattrapé, et ainsi larguer ses bombes. Un avion a largué ses bombes dans la moitié du chemin en mer de la Manche, et un autre avion a accidentellement largué ses bombes dans un endroit non spécifié. Avion est porté manquant, le EB297.

 

ORB AIR 27/1648 - ABSA 39-45 - Octobre 2017

Dossiers PV de la gendarmerie - Gend 35E-85 Claude Archambault - Février 2017.

 

 

Flight Lieutenant (1st Pilot). WINTER HEREWARD TWEEDALE. (POW).

Warrant Officer. (2nd Pilot). McLEOD DOUGLAS CARMICHAEL. (POW).

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Pilot Officer (Navigator). SPITTAL WILLIAM STRUTH. (EVD).

Sergeant (Wireless Operator/Air Gunner). HODGSON CHARLES L. (EVD).

Flight Sergeant (Air Gunner). GIBBS MICHAEL RALEIGH. (POW).

 

J'étais navigateur et bombardier au sein de l'équipage d'un avion ayant quitté le terrain de la RAF Thruxton, près d'Andover, le 19 février 1943 vers 21h00, pour une attaque d’installations électriques près d'Orléans. Nous avons été touchés par la Flak à 1.000 pieds au-dessus de l’objectif et le moteur droit a été mis hors service, l'avion étant également complètement troué. Nous avons établi un cap pour nous ramener à la base mais nous avons dû nous parachuter vers 01h00, le 20 février près de Mortain (feuille 8). Les autres membres d’équipage étaient les suivants :

 

F/Lt. WINTER (pilote) (en vie et non capturé après 4 jours) ;

Sgt. McLEOD (second pilote et mitrailleur avant) (capturé)

F/Sgt. GIBBS (mitrailleur arrière) (capturé) ;

Pilot Officer (Navigator). SPITTAL WILLIAM STRUTH et le Sgt. HODGSON (opérateur-radio) (en route pour le Royaume-Uni).

 

HODGSON, GIBBS, M'LEOD et moi-même nous avons tous atterri dans un petit champ. HODGSON est tombé dans un arbre auquel son parachute est resté accroché. Nous étions tous sains et saufs, à part que j’avais quelques petites coupures.

 

Nous nous sommes regroupés et nous avons cachés nos parachutes dans un fossé, les piétinant et les recouvrant de feuilles et de pierres. Nous sommes allés tous les quatre vers le sud pendant environ une demi-heure jusqu'à ce que nous atteignions un ruisseau. Là, après avoir rempli nos bouteilles d'eau, nous avons décidé de nous séparer. Comme je parle français et que le sergent McLEOD le parle un petit peu, j'ai pris HODGSON et lui il a pris GIBBS, aucun de ces derniers ne parlant cette langue.

 

Après avoir quitté les autres, le Sgt. HODGSON et moi-même nous avons marché vers le sud pendant environ six heures. Nous nous sommes cachés dans une meule de foin pendant environ quatre heures puis nous sommes allés dans une ferme vers 08h00. La femme de maison était seule et elle a eu trop peur de nous donner autre chose qu'un verre d'eau. Nous nous sommes rendus à une autre ferme située à environ 300 mètres (au nord de Landivy). Là aussi les gens avaient peur, mais ils nous ont accueillis et nous ont donné du café et du pain. Ils nous ont dit que les Allemands nous recherchaient.

 

Nous avons continué à marcher vers le sud à travers champs. Nous étions encore en uniforme, mais nous avions avec nous des pulls civils que nous portions par-dessus nos vestes d’uniforme. Près de Landivy, nous avons rencontré des gens qui travaillaient dans un champ. Alors qu'ils s’étaient arrêtés de travailler et nous regardaient passer, nous sommes revenus vers eux et nous leur avons expliqué qui nous étions. On a amené un homme qui nous a conduits chez lui dans le village voisin où nous avons dormi dans un lit jusqu'à minuit. On nous a ensuite donné un repas, des vêtements civils, et une vieille caisse avec des œufs et du pain pour notre voyage. Le Sgt. HODGSON a reçu une paire de vieilles bottes de l'armée.

 

Deux hommes nous ont emmenés jusqu'à un croisement de routes et nous ont indiqué celle menant vers Ernée (feuille 14). Nous avons continué le long de la route principale jusqu'à environ 08h00 (21 février) lorsque nous avons tenté d'obtenir de l'aide d'un fermier qui nous a claqués la porte au nez. Nous nous sommes rendus à une autre ferme située à environ 50 mètres (6 km au nord d’Ernée ) où nous avons été logés dans une grange toute la journée ainsi que le lendemain (dimanche). L'idée était que nous nous rendions d’Ernée à Laval en bus, mais il n'y avait pas de bus le dimanche. Dans cette ferme, on nous a donné une carte de la région.

 

Le 23 février, nous avons marché jusqu'à Ernée et je suis rentré dans une boutique pour acheter des tickets de bus. J'avais acheté un billet et la femme m'expliquait que mon compagnon allait devoir acheter le sien quand un gendarme français est entré. Il était suivi par deux Allemands et nous avons décidé de quitter la boutique sans avoir acheté d'autre billet. Nous avons continué à marcher le long de la route principale jusqu’à La Baconnière (Mayenne) où nous avons dormi cette nuit-là dans une grange et reçu de la nourriture du fermier.

 

Le 24 février, nous avons marché jusqu'à Astillé, évitant Laval, où l'on nous avait dit qu'il y avait beaucoup d'Allemands. Dans une ferme près d'Astillé, nous avons été bien reçus, recevant un bon repas, des cigarettes et du tabac ainsi que de la nourriture pour notre voyage. Nous nous y sommes rasés pour la première fois et j'ai coupé ma moustache après avoir remarqué que très peu de jeunes Français portaient la moustache.

 

Le 26 février, nous avons marché sur la route vers Quelaines (Mayenne) et après avoir traversé la route principale Craon/Château-Gontier, nous avons commencé à rechercher un abri. Après avoir tenté dans plusieurs fermes, nous en avons enfin trouvé une à Ampoigné (Mayenne) où l’on nous a accueillis. Là, j'ai lu dans un journal que GIBBS et M'LEOD avaient été capturés, ces derniers étant mentionnés par leur nom. L'article du journal indiquait également que le reste de l'équipage était toujours en fuite et donnait même nos noms et descriptions, y compris nos tailles et poids approximatifs. Une récompense était offerte pour notre capture et les agriculteurs français étaient prévenus qu'ils seraient abattus s'ils nous aidaient.

 

Evitant Sedré à cause des Allemands, nous sommes allés à Chambellay (Maine-et-Loire), au nord de Le Lion, où l’on nous a donné un repas et un abri. Chaque jour, nous marchions maintenant environ 12 heures. Nous avons évité Le Lion et passé la nuit dans une ferme. Le lendemain nous n'avons pas parcouru autant de distance qu’à l’habitude car notre marche à travers champs était ralentie par la petite taille des champs entourés de haies. Alors que nous nous reposions près de Saint-Jean-de-Linières (Maine-et-Loire), un homme de 35 - 40 ans est venu nous parler. Nous lui avons expliqué que nous étions anglais ; il nous a serré la main puis nous a emmenés à bord d’une charrette jusqu’à la ferme de ses parents. Là, on nous a donné un repas et un abri. Là aussi nous avons appris que tous les ponts n’étaient pas gardés pendant la journée et qu’ils pouvaient être franchis assez librement. On nous a dit que la nuit ils étaient gardés On nous a dit que la nuit ils étaient gardés par des civils français.

 

A ce stade de notre voyage nous avions appris à vérifier où nous nous trouvions à l’aide des bornes kilométriques des routes principales et secondaires.

 

Nous avons traversé la Loire assez librement à Savennières, et nous sommes allés par la route à Rochefort-sur-Loir. A cet endroit nous avons regardé un match de football pendant un certain temps dans l'espoir de pouvoir voler des bicyclettes mais elles étaient toutes trop bien surveillées. Nous nous sommes rendus dans une ferme à Beaulieu-sur-Lay où on nous a donnés un repas et autorisés à dormir dans le foin.

 

Nous avons continués vers Villiers ? au-Bouin ? (feuille 20) et D’ARGENT L’EGLISE, (non mentionné sur la carte), "Argenton-l'Église" (Deux-Sèvres) juste au nord de Thouars. Un fermier que nous avons approché là a eu trop peur de nous faire entrer et après nous avoir donné une bouteille de vin il nous a dirigés vers une ferme abandonnée où nous avons passé la nuit. Nos chaussettes étaient maintenant usées et nous portions des bottes de l’armée qui n’étaient pas adaptées. Nous avons cependant réussi à bander nos pieds avec des mouchoirs en papier et des bandes adhésives issues de nos boites de secours.

 

Notre arrêt suivant a été à Irais (Deux-Sèvres), où nous avons réussi à obtenir des cartes d’identité et de meilleurs vêtements. L’un de nos aides est venu à Poitiers et nous a acheté deux billets de train pour Bordeaux. Il est aussi allé avec nous jusqu’à 5 kilomètres de Poitiers et nous a guidés dans la gare et dans le train pour Bordeaux.

 

Nous avons voyagé en troisième classe à bord d’un train express. Nous emportions avec nous de la nourriture, du pain, des œufs et une bouteille de vin et nous avons essayé de manger cette nourriture de la même façon que les autres passagers français. Nous avons surtout remarqués qu’ils tenaient tous leur pain et leur viande de la main gauche, coupant celle-ci à l’aide d’un petit canif ordinaire tenu dans l’autre main. Nous avons fait semblant de dormir pendant la majeure partie du trajet et nos tickets n’ont été contrôlés qu’une seule fois.

 

Nous avons atteint Bordeaux vers 18h30 le 12 ou 13 mars. Il n’y avait pas de contrôle d’identité dans la gare. Nous avons trouvé notre chemin à travers Bordeaux en suivant les petites rues et en utilisant l’une des boussoles de notre boite de secours.

 

De Bordeaux (feuille 29) nous nous sommes dirigés vers Dax par la route qui passe par Gradignan - Le Barp - Beliet - Labouheyre (feuille 34). Cela a été la partie la plus dure de notre voyage car il n’y avait que de très rares fermes et maisons. Nous avions cependant avec nous depuis Irais une grande quantité de nourriture. Nous avons dormis une nuit dans une ferme près de Gradignan. Nous avons évités Le Barp et Beliet, en suivant des chemins parallèles situés à droite de la route principale. Afin de nous repérer, nous ne venions qu’occasionnellement sur la route principale. La seule carte à notre disposition pour cette partie du voyage était celle provenant de l’une des boites de secours. A un endroit, nous nous sommes arrêtés quatre jours dans la maison d’une vieille dame qui s’est occupée de nos pieds qui étaient coupés et purulents. Au sud de Labouheyre nous avons quitté la route principale et suivi la voie de chemin de fer jusqu’à Dax. A ce stade de notre voyage - la nuit - nous dormions dehors car les températures étaient assez douces.

 

Vers le 18 ou 19 mars nous avons atteint Dax qui semblait pleine d’allemands. Nous avons marché à travers la ville et nous avons trouvé un abri pour la nuit dans une ferme à deux kilomètres de Mees, à l’ouest de Dax.

 

De Mees nous sommes allés au sud-ouest et nous avons franchis l’Adour. Juste avant d’atteindre Tercis nous avons été arrêtés par deux gendarmes à bicyclettes. Ils n’ont pas cru à mon histoire d’une visite d’un ami à Tercis et nous avons bien été obligés à un moment de leur avouer que nous étions anglais. Le plus âgé des deux gendarmes semblait avoir envie de nous conduire en prison mais son camarade était plus compatissant. Finalement ils nous ont fait savoir qu’en tant que patriotes français ils nous laissaient partir. Ils nous ont emmenés dans un chemin à l'écart et nous avons discuté avec eux de la meilleure option pour rejoindre l’Espagne.

 

Sur le conseil des gendarmes nous avons franchi de nouveau le pont par lequel nous étions arrivés et nous nous sommes dirigés vers Bayonne par la rive droite de la rivière. Le long de cette rive il y avait un chemin de halage désaffecté alors que de l’autre côté il y avait de nombreux affluents à franchir. Nous avons passés la nuit dans une ferme à un kilomètre de Saubusse. Le lendemain, évitant le village en lui-même car il était plein d’allemands, nous sommes tombés dans un marécage et nous avions de l’eau bien au-dessus des genoux avant de nous sortir de là. Cette mésaventure a aggravé les ampoules et les blessures que nous avions aux pieds.

 

Dans une ferme de Sainte-Marie-de-Gosse (Landes) (feuille 39) la femme d’un fermier a compris que nous étions anglais, expliquant que mon accent français était semblable à celui du speaker du programme de la B.B.C. Nous sommes restés deux jours dans cette ferme en attendant que le fermier entre en contact avec l’un de ses amis à Peyrehorade qui allait voir avec des contrebandiers pour nous accompagner durant le reste de notre voyage.

 

Nous avons quitté la ferme avec le fermier et son ami sur des bicyclettes. Le fermier a seulement roulé quelques temps avec nous mais l’autre homme nous a accompagnés jusqu’à Bardos où nous avons laissés nos vélos et où il nous a laissé aux mains d’un autre homme. Nous sommes alors allés à pieds avec lui dans une ferme près de La Bastide-Clairence ( Pyrénées-Atlantiques) où cet homme nous a laissés.

 

Le lendemain le fils du fermier nous a emmenés pour une marche de 16 heures à la rencontre d’un contrebandier qui nous attendait à un point de rendez-vous situé à Hasparren. Là, un groupe a été formé, composé de deux belges, d’un français et donc de nous-mêmes. Nous avons été emmenés à Espelette (feuille 34 A) où six autres français se sont joints à nous. D’Espelette nous avons continués à travers les montagnes jusqu’à une ferme située sur le versant Espagnol, à 400 mètres la frontière – juste à l’ouest du mont Artzamendi. Cette marche nous a pris huit heures.

 

Nous avons dormi toute la journée dans cette ferme et à 1h30 le lendemain le fermier nous a guidés vers le village. Là, nous avons rencontrés un autre espagnol qui nous a emmenés HODGSON, un français et moi-même vers une ferme au nord de Maya puis qui a téléphoné au consul à Saint-Sébastian. Nous sommes restés à la ferme une journée. Le consul a alors envoyé un autre espagnol qui s’est avéré être un guide d'une rare inefficacité. Il nous a emmenés en taxi vers un point tout près d’Elizondo. Là il nous a fait descendre et marcher à travers le village jusqu’à une station de tramway après nous avoir donné un billet de 50 Peseta pour le trajet. Nous devions acheter nos billets nous-mêmes ! Nous avons presque failli être arrêtés à bord du tramway par des gendarmes espagnols mais un groupe de soldats espagnols qui voyageaient avec nous nous ont masqués à ces derniers. Nous avons atteint Irun le 23 ou 24 mars. Après nous avoir fait contourner la ville, le guide nous a cachés dans un triage de marchandises. Le lendemain il nous a emmenés par le train jusqu’à Saint-Sébastian. Deux jours plus tard nous avons été emmenés en voiture à Madrid où nous sommes restés cinq jours avant d’être conduits à Gibraltar que nous avons atteint le 2 avril.

 

 

 Dossiers escape evasion SPG 1151 Spittal - SPG 1161 Hodgson - Dossiers de Keith Jones

Traduction en français du rapport d'évasion : Fred Hénoff - ABSA 39-45 - Janvier 2018

Quetionnaires POW - WO_344_118_1_BW  - Flight Sergeant (Air Gunner). GIBBS MICHAEL RALEIGH - Jonathan Ives

Quetionnaires POW - WO_344_351_2_BW - Flight Lieutenant (1st Pilot). WINTER HEREWARD TWEEDALE - Jonathan Ives

 

(1) La première industrie installée à CHAINGY fut le poste de transformation électrique du Paris-Orléans en 1924. Ce poste repris ensuite par EDF a été agrandi en 1978. Il alimente en particulier le sud de la région parisienne. CHAINGY. 

Armstrong Whitworth Whitley

Constructeur :

Armstrong Whitworth

Type :

Bombardier, transport

Variantes :

Albemarle ST.Mk VI : Dernière version Special Transport Command.

Mise en vol le :

En mars 1940

Equipage :

3

Moteur :

2 Bristol Hercules XI. Moteurs radial.

Puissance :

1 590 ch

Envergure :

23,47 m

Longueur :

10,26 m

Hauteur :

4,75 m

Poids à vide :

10 260 kg

En charge :

16 570 kg

Vitesse maximale :

426 km/h

Plafond :

5 490 m

Rayon d'action :

2 160 km

Armement :

4 Browning de 7,7 mm en tourelle dorsale, 2 Browning de 7,7 mm ventrales. 2 tonnes de bombes.

Source image de l'Armstrong Whitworth Whitley

Source : Le guide de l'amateur, avions & pilotes. Editions Atlas